Étude du groupe DDM

Comment et pourquoi augmenter les récoltes en forêt privée

Le rapport du groupe DDM fait état du grand potentiel de la forêt privée qui se heurte actuellement à une mise en marché des bois difficile, des revenus en décroissance et des investissements sylvicoles insuffisants. Cette situation pourrait être renversée par des incitatifs financiers adéquats, des preneurs de feuillus plus nombreux et une plus grande implication de l’État dans les travaux d’aménagement de la forêt privée.

Le rapport du groupe DDM fait état du grand potentiel de la forêt privée qui se heurte actuellement à une mise en marché des bois difficile, des revenus en décroissance et des investissements sylvicoles insuffisants. Cette situation pourrait être renversée par des incitatifs financiers adéquats, des preneurs de feuillus plus nombreux et une plus grande implication de l’État dans les travaux d’aménagement de la forêt privée.

Photo: archives LMF

2 Fév. 2016

L’an dernier, le groupe DDM livrait au regroupement des sociétés d’aménagement du Québec (RESAM) une étude portant sur les paramètres permettant une augmentation des récoltes en forêt privée. Nous vous en résumons ici les faits saillants.

Clara Canac-Marquis

Un moteur économique important

D’abord, l’importance de la forêt privée comme outil de développement économique régional est sans équivoque. Chaque année, elle génère des revenus de plus de 2,5 milliards de dollars à l’échelle du Québec et quelque 25 000 emplois en dépendent. Non seulement ces bénéfices sont importants, mais ils pourraient l’être encore davantage puisque ce sont environ 25% des propriétaires forestiers qui détiennent des plans d’aménagement.

Ainsi, alors que la possibilité forestière de la forêt privée est estimée à 16,5 Mm3, correspondant à 55% de la possibilité forestière en forêt publique, le volume mis en marché par les producteurs en 2014 fut de 4,6 Mm3 (ou plutôt 6,6 Mm3 si l’on prend en compte les volumes de bois de chauffage récoltés).

Selon le groupe DDM, la récolte annuelle effectuée à court terme dans des lots forestiers pourrait atteindre 8,25 Mm3 si les propriétaires rencontraient les conditions gagnantes à la mise en marché. Ces volumes additionnels prennent toute leur importance compte tenu de la diminution de 10% de la possibilité forestière en forêt publique qui a eu lieu dans les 10 dernières années, ainsi que du moindre coût associé aux volumes de bois privés : le mètre cube récolté en forêt publique coûte près de 40% plus d’investissement à l’État, comparativement à celui récolté en forêt privée! (11,25 $/m3 contre 6,90 $/m3).

Mise en marché des bois

Les facteurs qui entravent la mise en marché des bois sont multiples: essences et types de produits peu recherchés, contexte économique difficile, etc. Sans contredit, la forte proportion des essences feuillues retrouvée dans les lots privés est un facteur freinant leur récolte, puisque l’appétit des industriels pour ces essences est de beaucoup inférieur à la possibilité forestière disponible.

En Abitibi-Témiscamingue, par exemple, la possibilité en forêt privée est composée à près de 65% de volumes feuillus alors que les industriels concentrent essentiellement leurs demandes (80%) sur les volumes résineux. Pis encore, en vertu du nouveau régime, les détenteurs de garantie d’approvisionnement doivent faciliter la disposition des feuillus, également abondants en forêt publique, afin d’obtenir tous les volumes résineux qui leur sont octroyés. Sur ce point, il apparaît donc difficile d’augmenter les récoltes en forêt privée, et le constat s’alourdit lorsque l’on considère le déclin de la demande en bois destinés aux pâtes et papiers, qui a enregistrée une diminution de 48% depuis les années 2000.

Incitatifs financiers en baisse

Une demande ferme pour les produits forestiers est une condition préalable mais non suffisante à la mise en marché des volumes de bois privés: elle doit être combinée à des incitatifs financiers à la récolte ainsi qu’à un coup de pouce de l’État pour la réalisation des travaux sylvicoles. Actuellement, ces deux conditions ne sont pas remplies.

Ainsi, le goupe DDM estime qu’en dollars constants, le producteur forestier obtient en moyenne 17% moins aujourd’hui qu’en 2002 pour chaque mètre cube livré à une usine de transformation! C’est donc dire que l’incitatif financier à récolter a significativement diminué en 13 ans.

À titre indicatif, depuis 2009, les prix sur le marché du bois d’oeuvre se sont accrus de 70% alors que le prix du bois obtenu par le producteur privé n’a augmenté que de 6%. Il semble donc que le droit de coupe du propriétaire privé ne soit pas en relation directe avec le prix du marché, découlant plutôt d’ententes locales et régionales, qui s’ajustent lentement. Si la récolte pouvait être augmentée à court terme à l’aide d’incitatifs financiers appropriés!

Le financement des travaux sylvicoles par l’État est également important dans une optique de maintien ou d’augmentation de la possibilité forestière. À l’heure actuelle, «on ne dispose que de 66% des investissements nécessaires» pour s’assurer que les producteurs aient accès à des scénarios sylvicoles complets, décrie MARC BEAUDOIN. Selon le directeur général de RESAM, «plusieurs mesures ont été proposées afin de faire plus avec l’argent disponible».

Le groupe DDM estime quant à lui que la «recette sylvicole» de la forêt privée requiert des investissements annuels de l’ordre de 56 M$ afin que la possibilité forestière y soit maintenue à court terme. Il propose également de mettre en place un chantier national concernant la règlementation municipale touchant la forêt, laquelle constitue dans bien des régions une contrainte aux travaux de récolte, ainsi que de revoir la fiscalité à laquelle sont soumis les propriétaires forestiers: exemption d’impôts des revenus nets, exemption de taxes municipales, ajustement des valeurs foncières en fonction de la valeur des bois et mise en place d’un CÉLI forestier sont des exemples de mesures qui pourraient inciter davantage les propriétaires à être actifs.

Perspectives

En résumé, le rapport du groupe DDM fait état du grand potentiel de la forêt privée qui se heurte actuellement à une mise en marché des bois difficile, des revenus en décroissance et des investissements sylvicoles insuffisants. Cette situation pourrait être renversée par des incitatifs financiers adéquats, des preneurs de feuillus plus nombreux et une plus grande implication de l’État dans les travaux d’aménagement de la forêt privée.