Approvisionnement en bois de Produits forestiers Résolu

L’impasse, l’arbitrage et l’attente

La forêt semble de plus en plus touffue et dense sur le sentier des relations entre les producteurs de bois privés de la région de l’Outaouais et l’entreprise Produits forestiers Résolu.

La forêt semble de plus en plus touffue et dense sur le sentier des relations entre les producteurs de bois privés de la région de l’Outaouais et l’entreprise Produits forestiers Résolu.

Photo: Guy Lavoie

18 Août. 2014
Josée Descoteaux

La forêt semble de plus en plus touffue et dense sur le sentier des relations entre les producteurs de bois privés de la région de l’Outaouais et l’entreprise Produits forestiers Résolu. Au point où on ne voit qu’un mince filet d’éclaircie, produit par le verdict, attendu cet automne, d’un arbitre auquel les parties ont eu recours. D’ici là, le chemin se fait encore plus cahoteux, avec la décision de Résolu de s’approvisionner aux terres publiques, qui viennent d’obtenir une hausse des possibilités forestières notamment dans la région outaouaise. L’entreprise relance ainsi les opérations de la Scierie de Maniwaki et de la papetière de Gatineau, pendant que les producteurs privés se sentent davantage poussés dans l’ombre.

« La région ne manque pas de bois, mais elle manque de bois bon marché et c’est ce que l’industrie veut. Nous ne pouvons pas faire compétition aux prix du bois des terres publiques », déplore RAYMOND JOHNSON, administrateur de l’Office des producteurs de bois de la Gatineau. Le prix constitue d’ailleurs la principale obstruction à la reprise des affaires entre les deux parties et il est à l’origine du recours à l’arbitrage.

La décision de la Régie des marchés agricoles sera la pierre d’assise des négociations du prix de vente pour la prochaine saison estivale. Les trois secteurs de la région de l’Outaouais disposent d’une capacité forestière privée de 165 000 mètres cubes livrables annuellement. En 2012 et en 2013, Résolu n’aurait acheté que 21% de cette quantité, souligne M. Johnson. Le bois du secteur privé représente tout de même 20% des volumes achetés par l’entreprise, qui s’approvisionne également aux terres publiques, et à celles des communautés autochtones, de même que sur le marché de mise aux enchères, signale son porte-parole, KARL BLACKURN.

Toutes ces sources n’ont pas suffi à alimenter sa Scierie de Maniwaki, qui a dû cesser ses opérations le 16 mai dernier, ce qui a entraîné, un mois plus tard, la fermeture de la papetière Gatineau : 80 travailleurs ont été privés de travail pendant un mois et demi, alors que les 125 employés de l’usine de Gatineau devraient retourner au boulot le 14 juillet.

Le ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs, LAURENT LESSARD, avait en vain tenté de trouver un terrain d’entente entre les parties impliquées, en formant le comité Initiative Maniwaki. Des discussions dans le cadre d’une rencontre entre des représentants de son ministère, de l’industrie et de l’Office des producteurs privés de bois de la Haute- Gatineau, à la fin de mai, avaient abouti à un cul-de-sac.

À qui le blâme?

De son côté, Résolu refuse d’établir un lien de cause à effet entre la mésentente sur le prix de vente et les volumes achetés, tout en soulignant que les usines de l’entreprise possèdent la capacité d’accueillir des volumes plus élevés de bois en provenance des terres privées. « L’application du nouveau régime forestier dans son intégralité nous causait des problèmes », ajoute-t-il.

La planification des récoltes incombe en effet désormais au ministère, qui indique ensuite aux compagnies forestières les territoires auxquels elles s’approvisionneront. Ce nouveau régime ne permet pas à la Scierie de Maniwaki de couper de façon rentable une quantité suffisante de bois pour alimenter l’usine. C’est que les forêts publiques de la région de l’Outaouais se caractérisent par une forte proportion d’essences feuillues, qui trouvent peu preneurs dans la région.

Le ministre Lessard affirme pour sa part haut et fort que l’on fait porter à tort le blâme au nouveau régime pour les fermetures temporaires d’usines. Celles ci survenaient même dans le cadre de l’ancien régime, a-t-il signalé lors de son passage en Outaouais le 7 juillet dernier. Selon lui, il faut plutôt mettre en cause des problèmes d’approvisionnement combinés à une situation économique complexe. La décision de son ministère de rehausser les possibilités forestières des forêts publiques pour la période 2013-2018, tel que recommandé par le Forestier en chef, arrive tout de même à point nommé pour Résolu. Ces possibilités, qui se chiffraient jusqu’ici à 30,6 millions de mètres cubes de bois annuellement, grimperont à 32,6 millions de mètres cubes à partir de 2015. Certaines régions subiront une diminution, alors que d’autres, comme l’Outaouais, bénéficieront d’une hausse. Résolu s’est donc tournée vers cette nouvelle source d’approvisionnement, qui lui permet de relancer les opérations de la Scierie de Maniwaki, de même que celles de la papetière de Gatineau, pour au moins les trois prochaines années.

Laissés pour compte?

« Je suis inquiet. J’espère que le ministère va accepter de nous dire quels « cadeaux » il a donnés à Résolu… Quand la demande de bois va baisser, on va être les premiers à écoper », craint Raymond Johnson. Tout en affirmant se sentir ainsi mis de côté par l’industrie, les représentants des propriétaires de terres privées sont aux prises avec des soucis bien concrets, qu’ils attribuent aux décisions de Résolu. « Nous ne sommes pas capables de faire des projections sur les opérations forestières parce qu’on n’a pas d’entente à long terme. On ne peut donc pas avoir d’engagement envers les propriétaires.

Nous aimerions avoir des ententes pour plusieurs années et non avoir à recommencer à tous les ans », explique PATRICK FEENY, directeur général de la Société sylvicole de la Haute-Gatineau. À l’instar des autres regroupements de propriétaires de terres privées, il affirme que ces derniers ont déjà fait plusieurs concessions à l’industrie, tout en soulignant à grands traits que les producteurs privés ne souhaitent certainement pas nuire à l’industrie. Selon M. Feeny, l’argument de Résolu à l’effet qu’elle doive se tourner vers l’approvisionnement à la source publique notamment à cause d’une carence dans la variété des essences sur les terres privées ne tient pas la route. « Ça fait au moins 50 ans que nous livrons du bois à l’industrie et ce facteur n’a jamais été un problème, ajoutet- il. Nous nous sentons un peu délaissés. Est-ce que notre bois est important dans l’équation? »