Mon beau sapin cultivé au Québec, garderas-tu ta parure encore longtemps?
Quand j’étais enfant, j’attendais impatiemment le premier jour de décembre qui marquait l’ouverture officielle de la saison des décorations de Noël. Ma mère ressortait du placard les lumières, les boules, le sapin, les guirlandes… le sapin? Et oui, comme une majorité de familles, nous décorions un sapin artificiel. Il était très beau, fourni, pratique et réutilisable. Néanmoins, j’achète, depuis quelques années, un sapin naturel à un producteur local dans Lanaudière, et je sens. Je sens l’odeur du sapinage frais, parfum d’une nature authentique qu’aucun produit synthétique n’est en mesure de reproduire. Malgré l’arôme unique du roi des forêts, il semble bien que cette industrie n’échappe pas aux déboires du secteur forestier
Une industrie du produit écologique à renouveler?
JACQUES ROUSSEAU, président de l’Association des producteurs d’arbres de Noël du Québec (APANQ) dresse un portrait plutôt sombre de la situation : «Il y a 15 ans, on arrivait à vivre de notre industrie. Maintenant, il nous faut combiner un ou deux emplois pour y arriver.» Cette activité économique est le parfait reflet de l’agriculture québécoise, c’est-à-dire des années en dents de scie, avec peu de sommets et plusieurs creux de vague. M. Rousseau : «Certaines personnes achètent en fonction de la qualité, mais la plupart achètent en fonction du prix. Les consommateurs recherchent le plus bas prix. Or, nos coûts de production ne cessent d’augmenter année après année.» Selon les données du ministère de l’Agriculture, Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), on compte 277 entreprises qui cultivent des arbres de Noël sur des superficies de 8 000 hectares. Bien que cette culture soit présente partout au Québec, elle s’effectue plus particulièrement dans le sud-ouest de la province, entre Sherbrooke, Thetford Mines et le Lac Mégantic1. Environ 1,6 million d’arbres de Noël sont vendus annuellement, ce qui représente un chiffre d’affaires oscillant entre 25 et 30 millions de dollars. Les principales espèces cultivées sont : le sapin baumier (Abies balsamae), le sapin fraser (Abies fraseri) et le pin. En 2010, le prix de vente moyen d’un arbre se détaillait à 18$, ce qui est supérieur à la moyenne canadienne (16$). Selon une étude sur l’exportation des arbres de Noël entre 1999 et 2010, le nombre d’arbres exporté au Québec est en baisse, passant de 1 377 000 à 808 000. M. Rousseau attribue cette diminution à la rude concurrence américaine. «Ce qui nous fait le plus mal, c’est la production accrue d’arbres aux États-Unis. On y plante entre 300 000 à 500 000 arbres par année, ce qui crée d’énormes surplus. Avec autant d’arbres américains disponibles sur le marché, il ne reste plus beaucoup de place pour ceux provenant du Canada et du Québec. Plusieurs producteurs vont donc chercher à liquider leurs arbres quitte à vendre à un prix inférieur au coût de production. »
Le marché américain en quête du sapin naturel?
Près de 90% des ventes sont réalisées à l’extérieur du marché local, principalement aux États-Unis. Les villes populeuses de l’est des États-Unis telles que New York, New Jersey, Nouvelle-Angleterre, Boston et Floride sont des marchés importants pour les principales provinces canadiennes exportatrices, soit le Québec, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick. La demande pour les arbres naturels connaît une hausse chez nos voisins américains dont plusieurs l’attribuent à la campagne du National Christmas Tree Association (NCTA), organisation qui fait la promotion de l’usage d’arbres de Noël naturels. M. Rousseau : «L’APANQ est un partenaire de cette campagne. Pour chaque arbre vendu, 0,15$ est versé aux activités de promotions. Nous tentons de faire connaître les avantages de l’usage des arbres naturels, qui permet la séquestration du carbone en plus d’être entièrement recyclable.» Le message écologique est sans aucun doute une base pour la survie de ce secteur d’activité. Malgré ces efforts, le marché américain n’est plus aussi rentable qu’il l’était auparavant. «L’effondrement de la valeur du dollar américain a considérablement diminué la marge de profit des producteurs.» mentionne M. ROUSSEAU.
L’APANQ en bref
L’Association des producteurs d’arbres de Noël du Québec a été fondée le 1er août 1969 dans le but de regrouper les personnes qui s’intéressaient au développement et à la production des arbres de Noël au Québec. L’APANQ s’est donnée comme objectif d’établir, de maintenir et d’améliorer les relations commerciales avec les principaux acteurs des différents marchés afin de stimuler et faciliter l’exportation des arbres et des produits dérivés. M. Rousseau : «Malgré la concurrence, le plus gros problème de notre industrie est l’absence de relève. La majorité de nos membres sont âgés de 45 à 65 ans. En raison du contexte difficile, plusieurs ont choisi de prendre une retraite anticipée, ce qui laisse entrevoir des problèmes d’approvisionnement dans le futur.» À noter que la main-d’oeuvre ouvrière est constituée entre 40% et 50% de travailleurs étrangers. Sur le site Web de l’APANQ, on retrouve des informations utiles aux membres pour maintenir et améliorer la production des arbres, mais également la liste des producteurs auxquels on peut s’adresser pour obtenir un arbre. Visitez le www.apanq.qc.ca afin d’y dénicher le vôtre ou d’autres articles naturels de Noël.
Informations et références : http://www.mapaq.gouv.qc.ca ht tp: / /www42.statcan.ca/smr08/2010/ smr08_148_2010-fra.htm 1 MAPAQ, 2011, http://www.mapaq.gouv. qc.ca/Fr/Productions/Production/autres/culturearbresnoel/ Pages/culturearbresnoel.aspx 2 http://www42.statcan.ca/smr08/2010/ smr08_148_2010-fra.htm