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Bienvenue aux 29 000 nouveaux propriétaires de boisé!

Depuis des années, le chiffre de 134 000 propriétaires de boisés de plus de 4 hectares au Québec était véhiculé par les acteurs de la forêt privée. Or, voilà que de nouvelles données révèlent une hausse marquée. En 2025, le Québec compte désormais près de 163 000 propriétaires forestiers. Bienvenue à ces 29 000 nouveaux venus! Mais avant de s’exciter, prenons un moment pour réfléchir. Est-ce vraiment une bonne nouvelle? 
La tentation est grande de répondre oui. Après tout, une forêt privée vivante et active repose sur l’engagement des propriétaires et plus ils sont nombreux, plus on pourrait croire que cette richesse collective sera mise en valeur. Pourtant, un tel bond soulève aussi de sérieuses questions. Non pas parce que l’accès à la propriété forestière devrait être réservé à une élite, bien au contraire, mais parce qu’un phénomène sous-jacent mérite toute notre attention : le morcellement accéléré du territoire forestier. 
Ce n’est pas qu’un sentiment vague ou une inquiétude de spécialistes. Des études démontrent que plus une propriété forestière est petite, plus le niveau d’intérêt pour l’aménagement à long terme a tendance à diminuer. C’est humain : un petit lot, parfois acquis pour des raisons récréatives ou sentimentales, n’est pas toujours perçu comme une ressource à aménager durablement. Or, sans aménagement actif, il y a stagnation. Et sans mise en marché, il y a perte de valeur collective. 
Autre réalité : les propriétaires actuels expriment un intérêt croissant pour des services « clés en main » lorsqu’il s’agit de projets d’envergure. Pourtant, du côté opérationnel, c’est une autre paire de manches. On ne peut raisonnablement faire déplacer une abatteuse multifonctionnelle pour récolter quelques cordes de bois. En dessous d’un certain seuil, la récolte devient économiquement et logistiquement inviable. 
Pour la première fois, la superficie moyenne des boisés privés au Québec est passée sous la barre des 40 hectares. Ce n’est pas qu’un chiffre. C’est un signal. 
Les Européens, qui ont quelques décennies d’avance sur nous en matière de développement rural, ont déjà affronté ces enjeux. Dans plusieurs pays, la réduction de la superficie moyenne des lots a atteint un seuil suffisamment bas pour occasionner une gestion forestière morcelée, inefficace, et peu rentable. Mais ils n’ont pas baissé les bras. Plusieurs gouvernements ont mis en place des politiques innovantes : soutien à la consolidation foncière, création d’associations locales de propriétaires, incitatifs financiers pour la gestion collective et durable. Ces mesures n’ont pas visé à exclure les petits propriétaires, mais à les aider à faire partie de projets collectivement rentables. 
L’Allemagne, la France, la Belgique et la Finlande sont quelques exemples de pays qui ont emboité le pas avec ce type d’approches. Partout, le mot-clé est le même : collaboration. Non pas pour uniformiser ou centraliser à outrance, mais pour mutualiser les efforts, partager les outils, et redonner une force de frappe à la forêt privée. 
Au Québec, la ministre des Ressources naturelles et des Forêts a récemment lancé des chantiers pour stimuler la contribution de la forêt privée à l’approvisionnement des usines de transformation. C’est une initiative prometteuse, mais il faudra, avec près de 163 000 propriétaires, favoriser des politiques publiques qui favorisent le regroupement volontaire, encourager la gestion concertée et de continuer à les outiller peu importe la taille de leur lot. Il ne s’agit pas d’opposer petits et grands, mais de reconnaître que l’union fait la force surtout en forêt privée québécoise.  
Bienvenue donc à ces 29 000 nouveaux propriétaires. Le futur de nos forêts ne repose pas uniquement sur le nombre de propriétaires, mais sur leur capacité à travailler ensemble. 
 
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