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Encore quelques cheveux blancs supplémentaires!

À l’arrivée de chacun de mes trois enfants, j’ai clairement vu une apparition de nouveaux cheveux blancs. Il y a de mauvaises langues qui diraient que les cheveux blancs sont causés par un processus naturel de vieillissement, mais j’ai des arguments en béton pour prouver le contraire.

La mise en valeur des forêts privées repose principalement sur une collaboration entre l’État, les producteurs et l’industrie forestière. À l’échelle mondiale, des mesures d’aide visent à partager les frais associés à l’aménagement forestier afin d’inciter les propriétaires à protéger et mettre en valeur leurs boisés et ainsi accroître les retombées économiques de cette activité pour les communautés rurales. Pour arriver à un juste partage des coûts et des gains, le Bureau de mise en marché des bois (BMMB) fait réaliser des enquêtes de coûts des travaux sylvicoles et détermine une valeur à 100% des travaux sylvicoles. Ces enquêtes permettent de mettre à jour des informations nécessaires à l’élaboration de grilles de valeurs de traitements sylvicoles. Ces travaux sont importants puisqu’ils permettent au ministère des Ressources naturelles et des Forêts (MRNF) de déterminer l’aide financière et technique pour réaliser des activités d’aménagement forestier dans votre forêt.

Depuis mon arrivée chez Groupements forestiers Québec, il y a eu deux processus d’intégration d’enquête de coûts à des grilles de valeurs des traitements sylvicoles qui ont correspondu étrangement à deux nouvelles vagues d’apparition de cheveux blancs. À l’hiver 2023, le Bureau de mise en marché des bois (BMMB) a procédé à l’intégration de l’enquête sur les coûts de la sylviculture en forêt publique (basée sur la saison 2020-2021). À l’automne 2023, c’était au tour de celle en forêt privée (basée sur la saison 2021-2022).

Les périodes de consultation visent essentiellement à raffiner le travail et à se rapprocher le plus possible des coûts réels sur le terrain. Pour l’enquête sur les coûts des travaux sylvicoles en forêt publique, plusieurs ajustements avaient été effectués à la suite de nos commentaires. Toutefois, là ça s’était gâté, c’était lorsque le MRNF a confirmé la diminution des marges bénéficiaires pour des traitements sylvicoles réalisés par des travailleurs sylvicoles. Ainsi, les organisations qui rémunèrent davantage la main-d’œuvre au détriment de marges bénéficiaires élevées ont été prises au piège. Pour ces entreprises, Il y avait trois options : diminuer les salaires des travailleurs, faire une croix sur la rentabilité des travaux sylvicoles en forêt publique ou diminuer leurs activités en terres publiques. Groupements forestiers Québec (GFQ) a travaillé fort l’été dernier afin d’identifier une solution qui permettrait d’éviter les baisses salariales des travailleurs sylvicoles et l’arrêt des activités d’aménagement forestier pour des entreprises qui rémunèrent davantage la main-d’œuvre. Au moment d’écrire ces lignes, GFQ n’est toujours pas en mesure de confirmer l’intérêt du gouvernement du Québec à mettre en œuvre une solution pour la prochaine saison.

Cette année, GFQ fournira plusieurs commentaires et recommandations au BMMB afin de favoriser une intégration réussie de l’enquête de coûts à la grille de valeurs de traitements sylvicoles en forêt privée. Toutefois, l’exercice peut se gâter de nouveau parce que le BMMB a informé GFQ que le MRNF ne jugeait plus approprié de prévoir une marge de risques et de profits pour les travaux effectués en forêt privée. Ainsi, une fois que 100% des coûts auront été assumés par les propriétaires et l’état, les entreprises qui réalisent les travaux ne seraient pas en mesure d’obtenir une marge afin de couvrir les risques ou une marge de profits afin de permettre la croissance de l’entreprise. Cette nouvelle proposition empêcherait un groupement de générer des liquidités grâce à la réalisation de travaux d’aménagement en forêt privée. Sachant qu’il y aura moins de capacité de générer des liquidités avec des travaux d’aménagement forestier, les entreprises de ce secteur auront moins de capacité d’emprunt et moins de capacité de développement. Si jamais une marge est dégagée, elle sera retirée à la prochaine enquête sur les coûts. Ce modèle économique est voué à l’échec.

Oui, les groupements forestiers étaient en accord avec une étude de coûts spécifiques à la forêt privée afin de déterminer une valeur des travaux qui se rapproche davantage de la réalité terrain, mais pas avec le fait de se faire retirer complètement la marge de risque et la marge de profit. Sans changement d’ici la prochaine saison, le citron aura été pressé au maximum en forêts privées et publiques.

Généralement, j’essaye de rédiger des éditoriaux positifs surtout avant le temps des fêtes, mais les groupements forestiers traversent une période difficile et stressante. C’est probablement ce stress qui contribue à l'apparition prématurée de cheveux blancs chez les directeurs des groupements. C’est assez paradoxal de vivre cette situation au moment où l’aménagement forestier devrait prendre une plus grande place afin de permettre aux écosystèmes forestiers d’être résilients face aux changements climatiques et au moment de déployer une stratégie nationale de production de bois.

Ça finit un peu raide pour le dernier éditorial de 2023, mais je souhaite aux propriétaires de boisé des conditions favorables en 2024 pour poursuivre et même augmenter votre niveau d’activité dans votre boisé!
À tous, Joyeuses Fêtes et bonne année 2024!
 
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Mars 2024

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