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La pérennité des forêts assurée

En présentant la nouvelle Stratégie nationale de production de bois qui prévoit augmenter le volume de bois récolté en forêt publique et privée de 29 Mm3 en 2018, à 33 Mm3 en 2025, à 42,9 Mm3 en 2050, puis à 52, 9 Mm3 en 2080, le ministre des Forêts, de la faune et des Parcs, Pierre Dufour, s’est appuyé sur le rapport quinquennal 2013-2018 du Forestier en chef, Louis Pelletier. Voici un résumé de cet important document.

 Guy Lavoie et Dany Rousseau

Dans l’introduction de son rapport publié l’automne dernier, le Forestier en chef souligne l’importance des forêts du Québec : la forêt représente « un legs intergénérationnel des plus précieux. Nous avons la responsabilité de la transmettre aux générations futures dans un état qui leur permettra de répondre à leurs besoins sociaux, économiques et environnementaux. » Plus loin, il souligne que selon l’analyse de son bureau la pérennité de la forêt est assurée : « il est rassurant de savoir que la forêt se porte bien et, considérant les informations dont nous disposons, sa pérennité est assurée. À l’échelle provinciale, le volume récolté n’excède ni les possibilités forestières ni les attributions de bois. L’analyse démontre aussi que les activités d’aménagement et de récolte sont durables et que la forêt n’est pas surexploitée. Également, la réglementation assure la protection du sol et de l’eau. »

Toutefois…

Le travail d’analyse du FEC est balisé par 6 critères et indicateurs qui proviennent du Conseil canadien des ministres des forêts. Ce sont : la diversité biologique, l’état et productivité des écosystèmes, le sol et l’eau, la contribution aux cycles écologiques planétaires, les avantages économiques et sociaux et la responsabilité de la société. Voici donc un résumé des analyses du bureau du FEC en regard aux composantes essentielles d’un aménagement forestier durable, incluant les éléments positifs, ceux à surveiller et certaines recommandations.

1 – Diversité biologique

Même si le couvert forestier est stable, que la diversité des écosystèmes est en bon équilibre et que la provenance des semences pour le reboisement maintient la diversité génétique régionale, le FEC note qu’il existe un léger déficit de vieilles forêts qu’il faudra surveiller et corriger dans certaines régions. Par ailleurs, bien que le réseau québécois d’aires protégées soit en croissance, il notait que la cible gouvernementale de 17% n’est pas encore atteinte.

Depuis la publication du rapport du FEC, l’objectif gouvernemental a toutefois été atteint avec la désignation de 34 réserves de territoire aux fins d’aire protégée. Totalisant 12 647 kilomètres carrés et correspondant à 0,84 du territoire. S’ajoutant à d’autres désignations récentes, cela permet de protéger au total 96 000 kilomètres carrés, soit 17,03 % du territoire québécois. Pour l’essentiel, les nouvelles aires protégées sont situées au nord.

2 – État et productivité des écosystèmes

La pression sur la forêt n’a jamais été aussi faible depuis 30 ans, qu’elle soit d’origine naturelle ou humaine. La majorité des forêts sont bien régénérées après la récolte forestière et lorsque l’on constate un déficit, un programme de reboisement est mis en œuvre. De plus, il n’y a pas de déforestation.

Par contre, l’épidémie de la tordeuse des bourgeons de l’épinette demeure un enjeu à surveiller. Bien que les efforts de lutte aient doublé pour minimiser les pertes de bois au cours de la période 2013-2018, l’épidémie a progressé. Les superficies touchées sont passées de 3,3 à 7,2 millions d’hectares durant la période 2013-2018.

En forêt feuillue, le volume récolté en bouleau jaune et en érable à sucre est en baisse et les bois sont de moindre qualité qu’auparavant. De plus, plusieurs espèces ou qualités d’arbres ne sont pas utilisées par la structure industrielle en place.

Avec pour objectif la diminution de la vulnérabilité de la forêt à la prochaine épidémie de la tordeuse des bourgeons de l’épinette, il recommande de mettre en place un plan provincial visant à contrôler le volume de sapin sur pied assorti d’une reddition de comptes. Il suggère aussi de prioriser l’utilisation des bois affectés ou en voie de l’être et en perdition afin de diminuer la mortalité.

Concernant la forêt feuillue et mixte à feuillus durs, il propose de l’aménager de façon à favoriser la production de bois de qualité en essences désirées tout en mettant en œuvre une stratégie d’utilisation des bois sans preneur.

3 – Sol et eau

La protection du sol et de l’eau est respectée et assure leur qualité. Les activités de contrôle des interventions ont été réalisées et au besoin, les situations problématiques prises en charge. La réglementation en vigueur encadre l’implantation et la réfection des infrastructures et des routes forestières pour la protection de l’eau.

4 – Contribution aux cycles écologiques planétaires

La forêt du domaine de l’État constitue un réservoir de carbone qui est demeuré stable depuis 1990. Plusieurs travaux sont en cours pour quantifier le potentiel d’atténuation des effets des changements climatiques par le secteur forestier. De plus, des programmes ont été mis sur pied pour encourager l’utilisation du bois dans la construction incluant la révision du Code du bâtiment. Enfin, des outils ont été conçus pour évaluer l’effet des stratégies d’aménagement sur le réservoir de carbone lors du calcul des possibilités forestières.

Toutefois depuis 2012, une légère diminution de la séquestration du carbone par la forêt est observée, s’expliquant entre autres par la mortalité des arbres liée à l’épidémie de la tordeuse des bourgeons de l’épinette. La forêt, de par son immensité, peut contribuer davantage à la lutte contre les changements climatiques.

Le FEC en propose alors d’accroître la contribution de la forêt dans la lutte contre les changements climatiques en intensifiant son aménagement pour hausser sa productivité et la séquestration de carbone et de définir une cible de production de bois à l’échelle provinciale.

5 – Avantages économiques

Pendant la période de l’analyse (2013-2018), le Québec a maximisé les retombées économiques de chaque mètre cube de bois utilisé. La fabrication des pâtes et des cartons étaient en croissance. De plus, les produits forestiers non ligneux ont contribué de manière appréciable à la vitalité des régions.

Le Québec occupe le deuxième rang de l’industrie forestière canadienne. La contribution du secteur forestier au produit intérieur brut de la province était de 6,3 milliards de dollars en 2018.

À l’échelle provinciale, le volume récolté n’excède pas les possibilités forestières. L’analyse démontre également que les activités forestières sont durables et que la pérennité de la ressource est assurée.

Mais la transformation du secteur forestier est en cours. Une vigilance est de mise pour initier et profiter des opportunités de développement de nouveaux produits fabriqués à partir du bois.

Il existe plusieurs situations où des enjeux d’harmonisation sont présents sur le territoire. Ceci entraîne des conditions qui diffèrent des stratégies d’aménagement considérées au calcul des possibilités forestières. Si ces conditions persistent, elles auront une incidence sur les possibilités forestières futures. Conséquemment, favoriser la recherche, le développement de nouveaux produits et de marchés seraient des actions à envisager.

6 – Responsabilité de la société

En 2016, 10 des 17 régions administratives du Québec étaient dépendantes du secteur forestier. Des efforts soutenus sont déployés pour assurer la participation des parties concernées à l’aménagement durable de la forêt.

Également, des mécanismes de participation des Autochtones à la gestion de la forêt sont mis en place dont, notamment, par des ententes de délégation de gestion. Cependant, le taux de satisfaction et l’efficacité des processus de participation ne sont pas connus.

Depuis plus de 20 ans, en plus de décréter des aires protégées, qui ont entraîné une diminution de 4,5 millions de mètres cubes des possibilités forestières, le Québec a mis en œuvre des modalités d’aménagement en vue de maintenir la biodiversité en milieu forestier. Lors de l’implantation du régime forestier en 2013, l’aménagement écosystémique a été privilégié comme un des outils de mise en œuvre de l’aménagement durable des forêts du domaine de l’État. Cet aménagement consiste à pratiquer un aménagement forestier s’inspirant de l’évolution naturelle de la forêt.

L’impact de ces modalités d’aménagement sur les possibilités forestières est bien documenté. En effet, environ 17 millions de mètres cubes de bois sont soustraits des possibilités forestières annuellement, soit le tiers de la capacité de la forêt du Québec.

En revanche, les données sont insuffisantes pour savoir si les objectifs escomptés au départ et découlant de la mise en œuvre de l’aménagement écosystémique sont atteints. Des suivis rigoureux nous permettraient de confirmer la poursuite de ces modalités d’aménagement ou la nécessité d’y apporter des modifications, le cas échéant.

Dans un processus d’amélioration continue, le FEC recommande de mettre en place un programme de suivi visant à effectuer une rétroaction sur les modalités de l’aménagement écosystémique et sur l’efficacité des moyens utilisés afin de confirmer leur mise en œuvre ou de les ajuster au besoin.

Il est possible de consulter le document au complet sur le site du Forestier en chef.
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Avril 2024

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