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La prévisibilité

Il y a quelques semaines, j’avais une discussion avec ma conjointe au sujet de l’avenir académique de notre garçon. Il y avait un certain malaise. Voyez-vous, ma conjointe et moi avons suivi un parcours académique très conventionnel : primaire, secondaire, cégep, université, travail. Ce n’est pas le cas pour le jeune. Son plan de jouer au hockey dans la NCAA va bon train, mais sans entrer dans les détails des particularités américaines, la prochaine année sera un peu en flottement et les résultats ne sont pas assurés. Que faire? Comment se préparer? Quelles sont les garanties? Est-ce que cela en vaut le coût?  Ce sont toutes des questions que l’on se pose. L’avenir est bien moins prévisible que s’il avait choisi un parcours conventionnel. Ça prend du courage et des ressources de toutes sortes pour faire face à cela à 19 ans.

Quand on vit cela sur le plan personnel, on fait vite le lien avec le besoin de prévisibilité de notre industrie et, par extension, du monde des affaires en général. On l’a souvent entendu de la part de nos partenaires transformateurs. Ils ont besoin d’approvisionnements prévisibles et réguliers tant sur le plan de la quantité que de la qualité pour assurer la rentabilité de leurs opérations. C’est souvent ce que d’aucuns reprochent aux acteurs de la forêt privée. C’est un sujet qui serait bon pour un autre éditorial, mais je me permets de rappeler que, chez les groupements forestiers, on se fait un point d’honneur de respecter nos engagements à la lettre.

Du côté des groupements forestiers, nous avons aussi fait très régulièrement l’apologie de la prévisibilité afin d’optimiser les interventions en forêt privée. Nous ne manquons pas une occasion de rappeler aux décideurs l’importance d’avoir des investissement prévisibles dans le temps pour réaliser les travaux sylvicoles. De cette manière, nous pouvons sécuriser la main d’œuvre, planifier à long terme et prévoir l’achat d’équipements pour améliorer la productivité. En finalité, on réussit à faire plus avec le même investissement.

Nous ne manquons pas non plus de rappeler à certains partenaires transformateurs que s’ils veulent de la prévisibilité dans les approvisionnements en provenance de la forêt privée, ils doivent aussi en donner à leurs fournisseurs. Des changements drastiques de prix, l’arrêt d’achats en pleine saison, de même qu’un partage inégal de la rente ne sont pas de nature à motiver les producteurs à mettre la main à la pâte, on le comprend bien. Il en va de même pour l’inversion du principe de résidualité aussi.

Je sais très bien que je mets de l’avant des sujets qui feront sourciller. Pour moi, c’est tant mieux et j’espère que cela fera en sorte que vous continuerez à lire car j’aimerais prendre un peu de temps pour parler de la prévisibilité non pas du point de vue des organisations, mais du point de vue des humains.

<strong>La main d’œuvre, notre richesse collective</strong>

Malheureusement, la théorie économique que nous utilisons donne peu de valeur à la main d’œuvre surtout en prenant comme prémisse qu’elle est abondante. Par le passé, c’était probablement vrai et plusieurs personnes sautaient sur les emplois disponibles. On sait tous que ce n’est plus le cas maintenant.

Par contre, je suis médusé de constater à quel point la valeur de nos travailleurs est encore méconnue.  En effet, même si les emplois étaient moins abondants, nous avons eu la chance d’avoir des personnes qui aimaient vraiment leur travail et qui y mettaient tout leur cœur. Ces travailleurs contribuent au développement de leur entreprise, mais aussi à la propagation de la fierté d’être un producteur sylvicole et de mettre en valeur leur propriété. Sans eux, nous ne serions pas où nous sommes aujourd’hui.

Dans le contexte qui est le nôtre, leur assurer de la prévisibilité devient une obligation de tous les acteurs du monde forestiers.

Attention : cette prévisibilité ne doit pas se limiter à assurer provincialement un volume de travail. Il faut plutôt se mettre dans la position du travailleur et leur donner une perspective de carrière, un plan de vie qui se tient. Croire qu’un travailleur sera disposé à changer d’employeur d’année en année et que cela ne le dérangera pas tient de l’hérésie!

Plusieurs bouleversements ont court actuellement dans le monde forestier, tant en forêt privée qu’en forêt publique. Il est temps de comprendre que l’actif le plus important dont la société dispose pour mettre en valeur ses forêts est son capital humain. Il est plus que temps de mettre nos passionnés du travail forestier au centre de nos préoccupations et de rejeter toute forme de dégradation de leur situation afin de pouvoir compter encore longtemps sur leur dévouement.
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Mars 2024

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