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La profession d’ingénieur forestier a 100 ans!

L’Ordre des ingénieurs forestiers du Québec (OIFQ) célèbre ses 100 ans cette année. Le Monde forestier a profité de l’occasion pour s’entretenir avec son président François Laliberté pour discuter de la situation actuelle de la foresterie et les défis qu’elle doit relever.

Nathalie St-Pierre

« Je crois que la foresterie se porte bien. Même si on n’est pas toujours sur la place publique pour les raisons qu’on souhaiterait, ça contribue quand même à mieux faire connaître ce qu’on fait, commente M. Laliberté à propos de sa profession. On perçoit encore l’ingénieur forestier comme celui qui fait des plans de coupe ou du reboisement. L’aménagement forestier c’est tellement plus que ça! C’est maintenant une histoire d’objectifs, d’intérêts et de valeurs. Et notre rôle est de tout mettre ça ensemble pour avoir une belle forêt qui nous ressemble comme population. »

Concertation, conciliation et harmonisation sont les voies suivies pour concilier les objectifs de toutes les parties et les obligations découlant des règlements. « Quand le nouveau régime forestier a été mis en place, il y a eu un vent de changement qui a redéfini le rôle des différents acteurs, la place de l’industrie et qui a fait plus de place à la population, rappelle M. Laliberté. Les ingénieurs forestiers ont emboité le pas et la nouvelle génération est embarquée dans cette mouvance. Il y a une prise de conscience de plus en plus grande du public et des autres acteurs. On va continuer à aménager la forêt pour du bois, ça fait partie de notre économie, mais on va le faire en respectant les attentes, la biodiversité, les espaces menacés, etc. L’ingénieur forestier doit élargir ses horizons et travailler avec d’autres professionnels. Son travail est beaucoup plus interdisciplinaire. »

Ces changements se constatent concrètement notamment dans le cursus offert aux futurs ingénieurs forestiers auxquels François Laliberté a le privilège d’enseigner. « J’ai 85 étudiants et c’est fascinant de voir la diversité des points de vue. C’est le reflet de notre société. Ça va amener un vent de changement qui est commencé, mais qui, je pense, va s’accélérer. »

Main-d’œuvre et décentralisation

La profession d’ingénieur forestier fait face au même défi sociétal de déficit de main-d’œuvre. « Il y a de belles cohortes à l’université, mais ce ne sera pas suffisant. Il y a un défi d’organisation du travail. Il faudra être très créatif et innovant pour qu’on puisse pratique une foresterie de manière très efficiente, fluide, flexible », soutient l’ingénieur forestier et président de l’Ordre.

Selon lui, l’une des façons d’y arriver est de donner plus d’autonomie aux régions en décentralisant les prises de décision afin de tenir compte des nombreuses différences entre elles. « Il faut trouver des façons pour que nos gens en région n’aient pas toujours à attendre des directives du centre, mais qu’ils puissent se revirer de bord rapidement. Mettre en place des aménagistes désignés, avoir une équipe locale ou régionale responsable des ressources et de l’ensemble des actions en lien avec les objectifs nationaux est une solution que nous défendons. Les gens des régions connaissent leur territoire. On pense que ça va créer un sentiment d’appartenance et favoriser l’acceptabilité sociale parce qu’on va être près des gens. »

Les défis en forêt privée

La forêt privée représente 30 % de la possibilité forestière pour 13 % du territoire. C’est un énorme potentiel qui doit être pris en compte.

Connaissances qui évoluent rapidement, changements climatiques et préoccupations des différents usagers de la forêt constituent un vaste amalgame d’objectifs avec lesquels les ingénieurs forestiers doivent trouver le moyen de jongler.

« Avec la forêt, il faut penser sur le long terme, minimalement 25 ans jusqu’à 90 voire 100 ans. Parallèlement à ça, on vit des quasi-révolutions tous les 5 à 10 ans. Pour nous, c’est du court terme. C’est là comme forestier qu’on a peut-être à s’engager dans des scénarios sylvicoles sur 20 à 30 ans qu’on revoit au bout de 10 à 15 ans. C’est certain que ce n’est pas toujours agréable de revoir un scénario, mais il y a de la marge de manœuvre. Il y a toujours une option. »

La nouvelle génération de propriétaires de lots impose également une nouvelle réalité pour les ingénieurs forestiers. Ces propriétaires n’ont plus une terre à bois pour en tirer un revenu d’appoint, ils ont acheté pour la beauté du lieu, pour la chasse, pour profiter du bon temps. Ils sont donc moins enclins à récolter.

« On voit dans les données d’inventaire que le bois s’accumule. Il y a donc plus de risques de bois tombé, d’infestation d’insectes. Aménager sa forêt permet de prévenir les coups. Ça fait partie du maintien du capital. C’est cette information qu’on doit, en tant qu’ingénieurs forestiers, transmettre aux propriétaires. L’exploitation mécanisée, ça fait peur. Il faut amener graduellement le propriétaire à comprendre l’importance de ces travaux. Il y a 130 000 propriétaires de forêt privée au Québec. On le voit un par un! »

Techno et terrain pour le futur

« Le futur est très technologique, mais il ne faudrait pas que ça nous amène à ne plus aller en forêt. La forêt, c’est du vivant. Ce n’est pas vrai qu’on va savoir tout ce qui se passe en forêt seulement avec des données, mais le gros avantage c’est qu’on va pouvoir cibler où aller voir et mesurer des choses qu’on ne pourrait pas mesurer autrement. On va faire une foresterie intéressante. En conciliant technologie et terrain, on libère du temps pour le “vivant” de la forêt. On pourra plus s’attarder à la dynamique, l’écologie, les espèces menacées, la biodiversité », conclut M. Laliberté.
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Avril 2024

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